Francesca Piqueras poursuit depuis sept ans un projet photographique sur les architectures marines en déshérence : infrastructures militaires abandonnées au large des côtes françaises et
anglaises, cargos démantelés au Bengladesh, plateformes pétrolières…
Ces images bouleversantes fascinent par leur esthétique sans faille et leur force métaphorique. En nous révélant la puissance d’une nature qui digère nos épaves en les magnifiant, en les
travaillant comme de vivantes sculptures, Francesca Piqueras nous interroge sur la fragilité des œuvres humaines et les vanités de l’ère industrielle.
Comme l’indique son titre « Après la fin », cette série invite à tourner la page. Celle d’une civilisation ivre de la puissance de ses machines et contre laquelle de réchauffement
climatique en montées des eaux, les éléments se retournent inexorablement. Ce que nous disent ces navires en déréliction, pris comme dans une mâchoire entre l’immensité de l’océan et l’infini du
ciel, c’est que la prétention de soumettre la nature à nos désirs est folie suicidaire. Transfigurés par Francesca Piqueras en vivants totems, ils nous placent devant nos responsabilités et nos
choix. Dès lors « Après la fin » s’ouvre un chemin possible : celui d’une conscience en éveil et d’une relation apaisée avec notre planète.
"Francesca Piqueras appartient à une nouvelle émergence d’artistes photographes, liés par l’urgence de donner un sens au chaos, et de suggérer les conséquences que notre inaction impliquerait.
Chaque structure désarticulée orchestre, derrière l’ombre d'une mort promise, les prémisses d’une autre vie, d’un autre possible. D’un côté l’abandon, le renoncement, l’oubli de notre condition
humaine dans une apocalypse post-industrielle, jonchée de squelettes rouillés. Ou bien l’espoir d’une humanité réconciliées avec sa conscience, libre d’assumer sa destinée.
Sa vision aigüe d’une société sans ancrage, dont les repères s’égrènent au gré des échouages, est avant tout porteuse de sens, et d’espérance. Ces paysages déchirés, blessés par un mal-être qui
ronge plus que la rouille, plus que le temps lui-même, préfigurent la fin.
Mais ce serait oublier trop vite que rien n’est définitif.
Pas même la fin.
Joël Halioua - JH Editorial